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Songes.

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Astrée Tsalys
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10 avr. 2015, 04:32

Encore ce rêve. Il est maintenant rare que je le fais et habituellement, ce n'est pas de bon augure. J'y assiste en spectatrice. Je m'y vois, sortir de la petite école du temple de Silvis, avec mes longues tresses et ma robe de lin bleu clair. La main d'un homme se pose sur mon épaule, il s'agit du frère Oreste. Il me dit que mon oncle voulait me voir à la sacristie du sous-sol. Oncle Giaci' est curé ici, il est rare qu'il ne vienne pas m'ébouriffer les cheveux après les cours du dimanche matin, il devait officier peut-être. Je suis une petite fille bien élevée, et je connais le frère Oreste. Je ne pose pas de questions et je le suis. Peut-être qu'oncle Giacomo voulait rentrer à la maison avec moi, que Nonno ou Nanna ne pouvaient passer me prendre. Après tout, mamma et pappa étaient sur l'île de Gallavini en ce moment, mamma doit y démarrer un chantier. Elle a été malade récemment, alors pappa s'inquiète et veut s'assurer que tout va bien pour elle. Puis, à la maison, avec Nonno, Nanna, oncle Alawn, oncle Dome' et tante Amaya, Gabriel, Tourmentine et moi sommes entre bonnes mains. Ç'aurait été autre chose si oncle Guido était encore vivant, il était violent paraît-il. Il semblerait que ce soit le travail du cristal qui l'ait fait devenir fou, à force de raffiner verre et plomb... sa technique n'était pas sécuritaire. Mais oncle Guido est décédé en prison alors que Gabriel et moi n'étions pas nés. Ne voyant ni Nonno, ni Nanna et encore moins Sfumato, le loup de mamma, je suis retournée à l'intérieur du temple, suivant le frère Oreste.

Je l'ai suivi dans les escaliers. Il portait une bure sobre et rugueuse. Je le trouvais bizarre aujourd'hui, il semblait nerveux. Habituellement, le frère Oreste est souriant. C'est lui qui sonne les cloches lors des mariages, des baptêmes, des enterrements, du rappel des offices. Il se retourne, je connais la suite. J'ai eu mal à la tête après un moment de néant. Ma vue s'était embrouillée et mes yeux d'enfant firent rapidement le tour de la pièce. Ce n'était pas une sacristie. J'ignorais ce que c'était à l'époque. Maintenant je sais que c'est une salle d'exorcisme. La gorge me noue alors que je revois cette scène, mais je m'efforce de l'observer, au cas où un détail m'aurait échappé. J'essaie de me défaire des liens émotifs qui m'y attachent, mais c'est difficile. Je tente de me voir, comme si j'étais une autre personne. Sur une table, la gamine est attachée, elle hurle, elle veut voir son oncle et traite le moine de menteur. En effet, c'en était un. Elle se débat avec toute la force que peut contenir son petit corps, mais rien n'y fait. Les liens sont trop serrés et larges. Il utilise des cristaux, qu'il dispose selon un arrangement particulier. On dirait une étoile à six branches. Ce n'est pas une bonne idée, frère Oreste, la jonction de deux triangles n'a sûrement pas la symbolique que tu souhaitais apporter dans ton rituel, tu as dû te perdre dans ton étude. Si l'on forme une étoile avec deux triangles, as-tu conscience que tu viens de faire un symbole de création et non pas de bannissement ? La jonction du masculin et du féminin. Comme l'utilisation d'une dague et d'un calice. Tu t'apprêtes à appeler des forces que tu ne sais pas maîtriser. Il fait brûler de l'encens. Ça sent l'ase fétide et le basilic. Et un peu l'angélique. Ce sont des plantes contre les mauvais esprits, pour les bannir.

Il essaie de la calmer, il dit qu'il fait ça pour son bien. Qu'il arrive parfois que des parents fassent des mauvais choix, mais que leurs enfants doivent en être lavés, car bien qu'ils soient purs, ils en portent la souillure en naissant. Un père athée, une mère apostasiée. À ses yeux, je suis de la pire engeance, issue du vice pur et simple. Et alors il commence à utiliser les cristaux en incantant, ceux-ci réfractant et amplifiant la puissance de la magie qu'il appelle. C'est de la magie de lumière. Normalement, ça sert à soigner les gens non ? Et puis, sur des êtres vivants, ce qui est utilisé pour repousser les morts-vivants ne devrait pas blesser. Pourtant, la petite fille souffre le martyre. Dans ses incantations, son intonation est haineuse et colérique. En magie, l'intention occupe une très grande place. Il soulève un symbole d'Artherk pendant qu'elle suffoque, prêt à l'abattre sur le corps malingre qui n'a plus de forces ni pour hurler, ni pour se débattre. Sa main est arrêtée, par la poigne d'un curé plutôt grand et élancé. Il lui tord le poignet pour lui faire lâcher le symbole et crie pour appeler les autres frères avant de se jeter sur la table et défaire les liens. Le grand bouclé prend la petite fille affaiblie dans ses bras, lui demandant pardon de ne pas avoir été là après ses cours, qu'elle était en sécurité maintenant. Avant qu'elle ne s'évanouisse, elle lui posera une question que même lui, un habitué des sermons, ne saura pas trouver les mots pouvant la réconforter à ce moment-là.
— Oncle Giaci', pourquoi fait-on du mal aux autres pour faire le bien ?

Cette scène, je l'ai vue des dizaines de fois, sous tout autant d'angles différents. J'ai pris le temps de la coucher par écrit afin d'en découvrir tous les détails qui me permettrait de comprendre exactement ce qui m'est arrivé ce jour-là et le pourquoi des séquelles. S'il y avait un moyen d'y remédier. Je m'y suis habituée. Herbes médicinales pour désensibiliser, talisman d'obsidienne pour me protéger, mais ça ne suffit pas toujours.

Par contre, ça ne s'arrête pas là. Lorsque je perds conscience dans ce rêve, des images défilent, parfois si rapidement que j'en suis étourdie, puis vient le néant. J'ai rêvé comme ça un accident de Gabriel, un voyage lointain et la perte de plusieurs de nos oliviers lors d'un hiver particulièrement froid. Là, j'ai du mal à coller les morceaux. Une couleuvre dans l'herbe. Une balade à cheval. Une douleur aux mains et aux poignets. Rien ne permettant de me relier dans le temps ou géographiquement. Et à nouveau, le néant, imperturbable. L'impression de nager dans la mélasse et de ne pas savoir m'en sortir. Et je me rends compte...

... que je suis prisonnière de mon propre sommeil. En fait, je suis enfermée à clé et le geôlier, c'est moi. Heureusement, Eau est là, ses murmures m'apaisent, je la sens dans mes veines et dans tout mon corps. Elle compose et décompose les liens dans ma psyché. Parfois je retiens, parfois j'oublie. Là, je ne dois pas oublier, il faut que...
Réveille-toi Astrée.
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